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Denise GLASER (1920 – 1983) un destin tragique
Marius Brandhuber
Rien ne prédestinait Denise Glaser à la télévision. Elle nait dans une famille de commerçants à Arras. A 15 ans elle rêve de devenir pianiste, elle a un penchant pour la musique classique. Mais la seconde guerre mondiale arrive, et ses parents à cause de leur judéité, vont se réfugier à Clermont-Ferrand, où elle étudie la philosophie. Elle fait la rencontre d’enseignants résistants et rejoint le « Mouvement national contre le racisme » qui est un réseau d’orientation communiste. Recherchée, elle se refugie avec d’autres résistants à l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban où elle rencontre Paul Éluard. Elle restera marquée par la Shoah, elle dira plus tard : « les fours crématoires, j’y pense continuellement ».
En 1945 de retour à Arras, ses parents exigent qu’elle travaille au magasin familial ou à l’usine. Elle refuse et se brouille avec eux, cette brouille durera dix années.
Elle poursuit ses études et travaille en même temps comme journaliste pour plusieurs journaux, elle obtient une licence de philosophie. Elle trouve un emploi à la radio, grâce à Jean Guignebert, comme illustratrice sonore, puis est engagée par Pierre Sabbagh au journal télévisé et collabore aussi avec Frédéric Rossif pour son émission « Editions Spéciales ».
Au milieu des années 1950, Jean d’Arcy, patron de la RTF, finit par accepter, sur son insistance, sa proposition d’animer une émission sur les chanteurs. C’est ainsi que naît DISCORAMA. Elle apparaît d’abord en association avec Jean-Pierre Darras, Philippe Noiret ou Jean Desailly, mais en 1962 après le départ de ces trois comédiens, elle décide d’animer seule l’émission.
Seule sur le plateau avec un invité, dans un décor minimaliste, elle apporte un souffle nouveau à Discorama, dans une ambiance intimiste, où le chanteur, pour la première fois peut s’exprimer librement, avec des moments de silence, en montrant souvent, non pas la personne qui parle, mais celle qui écoute. Diffusée le dimanche de 12h30 à 13h00, elle aura un succès mitigé, mais deviendra une émission culte. Jusqu’en 1970, elle produisit aussi, « Comme il vous plaira » une sorte de Discorama bis.
Denise Glaser, à l’affut de jeunes talents, sera à l’origine de nombreuses carrières, comme celles de Barbara, Serge Gainsbourg, Catherine Lara, Maxime Le Forestier, Moustaki, Brel, Hallyday, Sardou, Yves Simon….elle voulait que Discorama soit une émission culturelle. Elle abordait aussi les artistes peintres, les créateurs de mode, les cuisiniers, les auteurs compositeurs… sa démarche était d’explorer l’univers créatif des artistes. Il y aura des invités divers, comme Salvador Dali, Xénakis, Manitas de Plata, Miriam Makeba…
En 1963, Denise Glaser diffuse la chanson Nuit et Brouillard de Jean Ferrat, une chanson sur la déportation de la 2ème guerre mondiale, Robert Bordaz, directeur de la RTF, la catalogue de gauchiste et lance aussitôt une procédure de licenciement. Alain Peyrefitte, ministre de l’information, en accord avec le général de Gaulle, qui aimait bien l’émission, intervient et donne ordre à Robert Bordaz de maintenir Denise Glaser. En 1968, elle fut interdite d’antenne à trois reprises par le ministre de l’information, pour ses opinions gauchistes.
En 1974, après l’élection de Giscard d’Estaing, et le démantèlement de l’ORTF, Denise Glaser voit le rythme de ses activités se réduire de plus en plus, son salaire est divisé par trois. Pour se maintenir, elle affirme n’avoir jamais eu de carte d’un parti politique, mais se dit proche des idées socialistes. La dernière de Discorama est consacrée au chanteur canadien Gilles Vignault. Elle est remerciée la même année.
Elle songe alors à se reconvertir à la radio, mais toutes les portes se referment. Elle fait alors des petits boulots peu rémunérateurs, comme de la figuration, ou de la PUB.
En 1981, elle fait valoir ses droits à la retraite, après un long conflit avec la première chaîne au sujet de ses droits de productrice. Elle est déboutée et se retrouve avec une retraite dérisoire. En 1982, elle participe à une chronique culturelle avec Henri Chapier, pour Soir 3 sur FR3, c’est une rubrique de 5 à 15 minutes insérée dans le journal télévisé. L’un de ses derniers coups de cœur, sera la découverte en 1980, du chanteur tzigane Youri Azios Manoff, alors qu’il fait la manche dans le métro en chantant.
La reconnaissance du monde du spectacle arrive au moment où on lui annonce un cancer du poumon. Elle termine sa vie dans la misère, le 7 juin 1983, c’est les voisins qui alertent les pompiers et le Samu, qui ne peuvent que constater le décès de Denise Glaser.
Lors de son enterrement, seules Barbara et Catherine Lara sont présentes avec Pierre Bellemare, et Catherine d’ajouter : « Putain, il n’y a pas grand monde. Que c’est triste l’ingratitude des gens ».